Les débuts de Ridha en France
L'homme absurde est celui qui ne change jamais se souvient Ridha. Clemenceau avait bien raison de penser ainsi.
Oui, il avance, notre petit aventurier.
Il est inscrit à la fac de Vincennes, Paris VIII, nouvellement construite en 1970. A cette époque, c'est une belle oeuvre architecturale avec de nombreuses salles et amphis modernes, spacieux et bien exposées.
Ridha choisit l'informatique, il suit les cours pendant quatre années pour l'obtention d'une licence. Cette formation est nouvelle et le département jouit d'une attention particulière du ministère de l'éducation nationale.
C'est un campus où les échanges entre étudiants et profs sont nombreux; on y parle politique, musique, art.....
Ridha n'y connaît pas grand-chose. Droite, gauche sont des mots qui le concernent peu. Il n'est pas là pour ça ; sa mission en France est d'atteindre des objectifs pré dictés par son père, son entourage et parvenir à une notoriété, quand il rentrera à " Banzart ", avec son diplôme d'une université prestigieuse de Paris.
Tout se précipite pour Ridha, le voici plongé dans son nouveau mode de vie d'étudiant. Mais, il lui faut, de toute urgence trouver un travail pour vivre. Il ne peut espèrer recevoir de l'argent de Tunisie.
Sa famille est nombreuse et il est bien conscient, au moment de monter dans l'avion, qu'il va devoir s'organiser pour subvenir à ses besoins matériels.
Il a l'esprit scientifique ; les études en informatique vont lui être aisées et il trouvera du temps pour faire autre chose.
Effectivement, il trouve facilement du travail pour étudiants ; nettoyage de salle de cinéma (il aura l'occasion de voir de nombreux films gratuitement entre deux coups de balais) distribution de tractes qui lui permettront de découvrir rapidement Paris et ses banlieues huppées......
Ses journées étaient bien chargées mais sa nouvelle vie lui plaisait. Réveillé à 5heures du matin, il prenait le premier métro pour rejoindre son travail et après la fac le dernier pour rentrer chez lui.
Il excelle dans ce qu'il fait; son but est atteint.
En France, il comprend qu'il n'y a pas de bonheur possible sans liberté mais aussi sans courage, il en est bien conscient.
Chaque matin, il remercie Dieu de lui avoir permis de vivre cette nouvelle expèrience. Au plus profond de lui-même, il sent qu'il n'est qu'au début de la grande aventure et que la belle vie lui ouvre grand les bras.
Il habite le quartier Latin (rue Gay Lussac) où vivent de nombreux jeunes comme lui. Les soirées ils les passent entre boites de nuits, pubs et quartiers de Paris. Il découvre la ville lumière, il flâne dans les grandes avenues et se perd dans les petites ruelles typiques.
Il est heureux !
Un jour, à la sortie de la fac, il croise un Tunisien, qu'il n'oubliera jamais au grand jamais. Cet ami lui propose, d'aller habiter chez
sa soeur qui est mariée à un haut cadre de la célèbre compagnie pétrolière Shell. En contre partie il devra faire du ménage !
Un petit job certes, mais c'est Avenue Kléber à deux pas des Champs-Elysées. Il va vivre dans un des plus beaux quartiers de Paris ! Ouaahhh ! Il ne refuse pas ce cadeau du ciel. Ses voisins sont des personnalités bien connues, des VIP comme aimait à le dire Ridha; une comtesse mariée au directeur de Radio France culture, le médecin traitant du fabuleux acteur Jean Gabin et bien d'autres....
La Tunisienne, soeur de l'ami qui lui procure l'emploi, informe la comtesse que leur nouveau voisin, Ridha le jeune étudiant moustachu, est un excellent joueur de tennis. Madame de Ch.(la comtesse) propose à Ridha de partir en vacances scolaires avec sa famille dans le Doubs pour apprendre à ses enfants à jouer au tennis.
Elle a un château là-bas, doté d'un court de tennis. La chance lui sourit de nouveau. Non seulement il part en vacances aux frais de la princesse, pardon de la comtesse, mais il renoue avec son sport favori, ses rêves d'enfance, sa jeunesse à Bizerte.
Décidément Ridha entame merveilleusement bien son séjour à Paris et la chance lui sourit.
Les vacances avec cette famille resteront pour lui un des meilleurs moments de sa vie.
Elles lui permettent de renouer avec les courts de tennis ; il reprend goût au sport ; le plaisir de jouer lui revient en force, la compétition aussi. Il gagnera quelques trophées.
Sa vie, comme il aime à le dire, de temps à autre ressemble à un conte. Il l'avait rêvé mais la réalité dépasse ce qu'il avait imaginé.
La chance lui sourit, les succès se suivent dans la joie et la bonne humeur.
Le responsable de la FNSU de Jussieu, qui a appris que Ridha était champion de tennis, le convoque et lui demande d'entraîner l'équipe de la fac. En contre partie, il l'aidera matériellement et l'inscrira à un stage pour obtenir le monitorat.
C'est un retour aux sources providentiel. Où qu'il aille, sa route le ramène à sa passion première: le tennis et ses rêves d'enfant.
Du côté de la tour Eiffel, au Crous, une annonce attire l'attention de Ridha : une affiche qui offre des emplois occasionnels pour étudiants. On est au début de l'année 1973, Roland Garros cherche des personnes pour vendre des carnets de billets pour la quinzaine du tournoi. La rémunération est fonction du nombre de carnets vendus.
En ce temps là, on avait la possibilité d'acheter des carnets de places pour la quinzaine. Ridha est toujours en quête d'améliorer ses revenus, il voit là un moyen d'approcher les champions.
A sa première visite du stade, il cherche un job pendant le tournoi. Il demande à rencontrer le patron qui n'est autre que Pierre Darmon; il tombe des nues quand il revoit le champion qu'il admirait tant à Bizerte. Le grand joueur qu'il observait derrière le mur d'enceinte du TCB, avec lequel il avait échangé des balles lorsqu'il était gamin. Il lui a même ramassé les balles à Bizerte.
Pierre Darmon est désolé, il n'a rien à lui proposer d'intéressant, à moins qu'il accepte d' être ramasseur de balles.
Ridha n'en croit pas ses oreilles, il va mettre les pieds pour la première fois, dans ce lieu mythique, comme ramasseur de balles. L'histoire se répète. Cela lui rappelle son enfance quand à treize ans, pour la première fois, il avait été admis à pénétrer le tennis club de Bizerte.
Petit à petit tout se concrétise au-delà de ses espérances.
Il officie avec brio comme ramasseur, sous l'oeil attentif du maître des lieux qui lui propose de l'embaucher l'année suivante comme patron des ramasseurs ! Ridha se faufile dans la brèche tant espérée, tant attendue.
Qui dit Roland Garros dit champions, dit vedettes de grandes notoriétés.
Ridha commence sa rencontre avec les ténors du tennis : en 1973 le champion Roumain Ilie Nastase, avec le quel il sympathise, l'invite avec les ramasseurs à boire et à fêter sa splendide victoire : Il affirme que pour devenir champion le travail de ramasseur de balles est une très bonne école pour mieux assimiler la technique du jeu et la concentration. Il a été lui même ramasseur de balles chez lui en Romanie
Le Stade Roland Garros à ses débuts, ne disposait que de cinq courts. Les vestiaires des Ballos changeaient pratiquement tous les ans. Au début les ramasseurs étaient installés dans l'enceinte où les jeunes joueurs français, étaient hébergés, le reste de l'année. C'est devenu le "Restaurant RG" de nos jours.
Le nombre des ramasseurs n'était pas très important, une cinquantaine seulement officiaient sur les courts, et il n'y avait pas de sélection ni de formation, les jeunes venaient après l'école, soit le matin soit l'après-midi, il y en a même qui venaient le soir car sur le central on jouait la nuit ! Leur nombre a beaucoup augmenté plus tard.
La FFT a racheté le terrain de rugby qui juste le stade, les ramasseurs étaient installé dans les vestiaires de ce stade.
Par la suite, ce stade a été démoli et on a construit à la place l'actuel court Suzanne Lenglen.
Il y avait également au sein du stade, un centre médical qui a été remplacé par l'actuel Village VIP.
Le court N°5 a été transformé par un court plus grand avec des gradins plus importants, l'actuel court N°1.
En ce temps la les bureaux de la FFT n'étaient pas sur le site de RG, mais à la rue d'Athènes à Paris.
Le tournoi était géré par une équipe indépendante, Ridha faisait partie de cette équipe.
Ce n'est que plus tard que les bureaux de la FFT seront installés à Roland Garros et ce n'est qu'à ce moment là que la FFT prendra les reines de l'organisation des Internationaux de France.
Jusqu'à l'agrandissement du Stade : (nouveau restaurant pour les joueurs, restaurant pour les arbitres, restaurant pour les officiels, restaurant pour le public, nouveaux vestiaires pour les joueurs, les arbitres et les ramasseurs), le Tournoi été très sympathique et conviviale ! Les gens ne s'intéressaient pas beaucoup au tennis, en ce temps là mais les présents au stade étaient des grands fans.
Les places n'étaient pas numérotées, pas de loges, les spectateurs pouvaient se mettre où ils voulaient.
(avant son arrivée à RG, Ridha vendais des carnets de places pour la quinzaine, il avais du mal à les vendre, il suppliait presque
les gens de lui acheter car il étais payé en fonction du nombre de carnets qu'il vendais). Ce n'était pas encore la cohue.
Mais depuis, malheureusement les choses ont beaucoup changées, Roland Garros est devenu une société privée où le bisness fait le plein ! C'est également plus une foire publique qu'un tournoi sportif.
L'esprit Roland Garros des années 70 a complètement disparu.