Chaque fois que Nastase venait à Roland Garros, Ridha l'invitait à échanger des balles ; ils deviennent
de bons amis. La même année, il fait aussi la connaissance du futur champion français Henri Leconte
(encore cadet). Ils deviennent par la suite des amis, passent ensemble des moments en famille, partagent
des dîners, chez les uns et les autres.
Au mois de Juillet, le championnat de France minimes / cadets se déroulait à Roland Garros.
Ridha faisait partie des organisateurs. Il est nommé responsable de l'intendance des jeunes qui viennent
de tous les coins de France. Il se chargeait de livrer le matériel aux entraîneurs pour loger leurs jeunes,
de veiller à leur bonne installation dans un vaste terrain à Roland Garros. Il était responsable de la bonne
marche du championnat.
C'est là qu'il rencontre l'enfant prodige du tennis qui va devenir le grand joueur que tout le monde connaît,
Yannick Noah. Il est frappé par son talent mais aussi par son caractère joyeux et immature.
Quelque temps plus tard, le championnat de France est transféré au Touquet.
Ridha continue de gérer les ramasseurs de balles au stade de Coubertin (avant le transfert à Bercy) ; il y côtoie les grands champions de l'époque, les Nastase, Borg, Proisy, Jauffret, Dominguez, Arthur Ashe, Chanffraud et aussi l'illustre Egyptien El Chafei.
Sur le central de Coubertin, Nastase attendait son adversaire : le français Patrick Proisy, celui-ci tardait à venir, Nastase, agacé, demande à Ridha d'échanger des balles. Quelle joie pour Ridha, de jouer avec le meilleur joueur au monde de l'époque. Vingt minutes de régal devant une assistance, surprise et amusée. A la fin du jeu, Nastase, gentleman, offre sa raquette au bizertin, tellement fier.
Lorsque Proisy arrive enfin, il se fait insulter par Nastase. Gentleman! oui, mais il ne faut pas trop lui manquer de respect.
C'est un joueur hors pair connu aussi pour ses incartades y compris, pendant les matchs.
El Chafei aussi en a eu pour son grade, lors d'une montée au filet, il s'adresse à lui : " Toi l'ar..... ne vient plus au filet, tu ne sais pas y faire, reste au fond !"
Ridha rencontre également McEnroe, bien qu'il ne soit encore que junior.
Pour aller s'entraîner, les joueurs doivent passer par la porte 13 (porte très connue et mythique pendant des années) pour demander un terrain et des balles. Lorsque Mc Enroe s'adresse à la personne de la porte 13, il ne la regarde pas et demande avec autorité: " court, balls, please". Il manifestait déjà le caractère irascible et exigeant qu'on lui connaît bien. Chacun devait réagir au plus vite sous peine de se faire rabrouer, Ridha comme les autres. Ses colères étaient notoires.
Malgré cela, Ridha l'aimait bien ; il appréciait ses coups de gueule et son franc parler devant les journalistes en particulier.
Il reconnaissait chez lui ce qu'il était lui-même du temps où il était joueur et champion de Tunisie.
C'est cette colère et cette agressivité qui impulsent à certains tennismen leur combativité. C'était comme des coups de cravache qu'il se serait donné pour faire avancer l'animal fougueux et récalcitrant qu'il était au fond de lui.
C'est ainsi qu'il parvenait à sa concentration maximale qui lui permettait de tenir pendant les heures que duraient parfois certains matchs. Sa rage était son dopage, ça le stimulait pendant les moments difficiles.
McEnroe avait besoin de cette fureur pour ajuster, donner à ses coups de la vitesse et de la précision.
McEnroe était arrivé au sommet de son art lorsqu'un jour, Ridha fut convié dans le studio d'enregistrement de Roland Garros par un journaliste de la télévision, aujourd'hui bien connu, pour lui remettre un prix : c'est un ananas que les ramasseurs lui offre !
C'est devenu depuis une tradition que cette remise du " Prix Ananas". McEnroe amusé, avait alors raconté qu'il avait été lui aussi ramasseur de balles lorsqu'il était jeune. Cela avait été pour lui une grande expérience que d'observer les plus grands, de comprendre leur technique. Il gardait de beaux souvenirs d'avoir servi à l'US Open du temps des Rode Laver, Newcomb, Ken Rosewall.
Il disait, quand il jouait le matin, il ramassait l'après-midi et quand il jouait l'après-midi il ramassait le matin.
C'est ainsi qu'on devient un champion a t il dit. En tout cas, cela a bien fonctionné pour lui.
Ridha aime à se rappeler ces moments de rencontre avec les grands joueurs qui le font rêver et qui lui montrent aussi le tennis dans sa grande diversité.
Ridha est apprécié à Roland Garros. Il ne ménage pas sa peine et on lui reconnaît son sérieux, sa bonne volonté et aussi l'entrain qu'il met dans tout ce qu'il fait. Pierre Darmon lui propose un emploi d'avenir dans la société de construction de courts de tennis qu'il vient de créer. Il ne veut pas interrompre ses études d'informatique. Il refuse gentiment.
En 1975, il change de résidence et va habiter à Boulogne Billancourt non loin de Roland Garros. Il s'inscrit, à la fac de Jussieu pour l'obtention du diplôme d'analyste programmeur.
C'est un nouveau tournant qui s'offre à lui, l'occasion d'aller jouer au PUC (Paris université club).
Cette même année, il décroche le diplôme de moniteur de tennis, après un stage de formation au centre Bullier.
Ridha débute l'enseignement du tennis au prestigieux Club de Longchamp à proximité de Roland Garros, il y fait la connaissance de nombreux passionnés de ce sport, dont la plupart font partie de la "bonne société." Il faut avouer, qu'à l'époque, le tennis n'était pas encore très démocratique et qu'on rencontrait sur les courts de ce club, beaucoup de gens de " la haute" : dont la famille du Rocher de Monaco, pour laquelle Ridha va leur servir de sparring-partner.
Le prince Albert appréciait beaucoup le jeu de Ridha, Belmondo et d'autres encore, faisaient partie de ses élèves dans ce Club.....
Dans d'autres Clubs : à Boulogne, rue des abondances, ou dans les Forest Hill, il avait également comme élèves des personnalités célèbres comme l'acteur Jerry Lewis, Vincent Bolloré (l'ami de Sarkozy), Claude Lelouche, l'attaché de l'ambassade US, l'ambassadeur de Tunisie et même un émir du Qatar (personne ne voulait lui donner des courts et le directeur du club est venu prier Ridha de bien vouloir le faire jouer).
Ridha commence à comprendre l'orientation que va prendre sa vie. Il doit persévérer dans la voie qui lui est maintenant bien tracée :
le tennis. Il est revenu à ses amours de jeunesse : le tennis, le sport, la compétition, la fréquentation des grands champions.
Il gagne bien sa vie ; baigne au quotidien dans l'ambiance qui est celle qu'il préfère et qu'il connaît à merveille.
La route est bien tracée. Il faut la poursuivre sans hésiter. Haut les voiles ! Et vogue le navire.
Il a fait ses études à la fac ; il s'est prouvé à lui-même et à son père qu'il était doté de très bonnes capacités. A lui le tennis maintenant !